10 octobre, 2010

Campra, le "Vénitien français"

André Campra
le "Vénitien français"

 France Musique
Du 13 au 26 octobre  2010

Le soleil baroque
Comme Haendel pour l'Allemagne, qui fit lui le séjour en Italie, André Campra, né en 1660, mort à 83 ans en 1744, quasi écarté et oublié,  apporte à la France baroque ce parfum de Venise, inimitable, ensoleillé, festif et d'une sensualité parfois provocante.

Or le sémillant et malicieux abbé qui n'a cessé de vivre comme un Vénitien (toute son oeuvre tourne autour de la thématique vénitienne: le Carnaval de Venise en 1699,  l'acte italien, donc vénitien, de L'Europe Galante, puis la Sérénade Vénitienne et encore Les fêtes vénitiennes...) n'a jamais été en Italie!
Pour Campra, Venise est un mythe: le miroir et la quintessence d'une italianità qu'il maîtrise absolument. Comme Charpentier, il est conquis par l'Italie et en diffuse le parfum recomposé dans sa patrie... Son père était piémontais. A Aix, l'archevêque favorise l'italianisme: dans la Cathédrale Saint-Sauveur, le jeune André petit chanteur dans le choeur apprend ce bel canto méditerranéen qui restera sa marque. Devenu prêtre à 12 ans, il chante encore à Arles puis à Toulouse... avant  de monter à Paris dès 1694 (34 ans): il occupe le poste de maître de musique à Notre-Dame de Paris. Là, il écrit son Requiem en 1695 pour les funérailles de l'archevêque de Paris. Musicien en cour, il sert à Versailles, Le Roi-Soleil (sans jamais obtenir de postes cependant), puis Philippe d'Orléans (qui lui permet, enfin Louis XV.
A Versailles, Campra profite du changement de goût: Lully ne règne plus en maître et défenseur du style français; Louis XIV devenu pieux sous l'influence de sa nouvelle épouse Madame de Maintenon, apprécie  Lorenzani; quand Charpentier, italianisant connu n'obtient pas de poste à la Cour, Campra l'italien profite du goût méditerranéen qui règne à Versailles, privilégiant aussi les Mouret, Mondonville...
Comme Rameau, Campra a la bosse lyrique: en 1697, il écrit un premier chef d'oeuvre dont le genre promet d'être majeur avec Rameau, l'opéra-ballet L'Europe Galante.  Sa forme ouverte, propice à la fantaisie, contre le cadre si contraignant de la tragédie lyrique qui impose l'art redoutable de la déclamation,... fera école. Mais les marches du palais sont encore nombreuses... De fait, Louis XIV étant demeuré fidèle à ce qu'il a fondé avec Lully, ne peut être pleinement conquis que sur le mode tragique.  Qu'à cela ne tienne... Campra compose Hésione (1700) puis Tancrède (1702), enfin Camille (1717). Rien ne se passe: et Campra  sans reconnaissance durable (malgré le faible succès de Tancrède), se lasse.


Campra galant
Dans ses opéras, Campra célèbre l'amour, délices espérés, exaucés par Vénus et Cupidon. Pour eux, l'abbé a quitté la tutelle de l'église, oser le théâtre: Casanova et Da Ponte auraient pu lui souffler même un esprit licencieux: sensuel voire amateur des nudités langoureuses, Campra aurait été vu dans l'orgie du magasin de l'Opéra (à 70 ans!, invitant les belles callipyges à ôter les drapés cachant leurs divines courbes charnelles...). A Paris ses patrons sont scandaleux: Duchesse de la Ferté, surtout Duc de Chartes à la sexualité affichée, provocante, ... Il s'engage pour la muse tragique sans vraiment convaincre: Idoménée (1712) est  encore accueilli avec tiédeur.
Quand Philippe devient duc d'Orléans (1701), il est appelé à être ce Régent libidineux, après la mort du Roi en 1715 (et jusqu'à la 13è année du jeune Louis XV). Campra qui avait quitté capitale et honneurs -toujours remis- en revenant à Marseille (à l'Opéra) en 1714, est dès 1716 aux côtés du Régent. A 54 ans, le compositeur vit enfin sa véritable gloire: elle sera parisienne, éphémère mais intense.
Et puis le miracle se réalise: en 1722, Philippe lui obtient d'être nommé maître de musique à Versailles. Il y réadapte ses motets, compose de nouveaux accomplissements sacrés : Te Deum, De Profondis... dans le sillon exalté et exaltant du Requiem. Toujours passionné d'opéra, Campra devient inspecteur de l'Opéra en 1730: visionnaire au nez affûté et à la curiosité bénéfique, il sait favoriser Jephté de Montéclair, puis Hippolyte et Aricie de Rameau en 1733 dont il avait détecter le foisonnement génial ("il y a dans cet opéra assez de musique pour en faire dix").
Avec la mort de Campra en 1744, s'éteint le Soleil de la musique française, sous les coups virevoltants, rythmiquement flamboyants de Rameau. Une époque était finie. D'ailleurs dès 1743, la page était tournée: quand Rameau fait créer avec succès ses Indes Galantes, Campra échoue dans le genre tragique avec Achille et Déidamie. Le feu de la danse contre l'ennui de la déclamation tragique...



André Campra sur France Musique en octobre 2010:

Mercredi 13 octobre 2010 à 12h30 France Musique. Marais, François Couperin, Forqueray. L'Amoroso. Guido Balestracci, direction. Concert enregistré en octobre 2010

Jeudi 14 octobre 2010 à 12h33 France Musique. Leclair, Stück, Montéclair... Sonates et cantates. Ensemble Pulcinella. Concert enregistré en octobre 2010

Vendredi 15 octobre 2010 à 9h France Musique. Campra: Didon et Enée, 2è livre de cantates. Didon et les femmes... Amarillis, Iphigénie en Tauride... Ensemble Amarillis. Concert enregistré en octobre 2010

Mardi 19 octobre 2010 à 20h France Musique. Campra: Le Carnaval de Venise. Salomé Haller, Marina de Liso, Edwin Crossley-Mercer... Le Concert Spirituel. Hervé Niquet, direction. Concert en direct du TCE à Paris

Mercredi 20 octobre 2010 à 9h France Musique. Campra, Leclair, Blamont, Rameau... Freiburger Barockorchester. Gottfried von der Goltz, direction Concert enregistré en octobre 2010

Mardi 26 octobre 2010 à 9h France Musique. Campra: In convertendo, Requiem... Orc des musiques anciennes et à venir. Olivier Schneebeli, direction. Concert enregistré en octobre 2010

1 commentaire:

  1. Mon tout premier disque acheté à l'âge de 15 ans, au hasard du choix qui n'en était pas vraiment un, car je ne connaissais pas du tout, fut de tomber sur les Fêtes vénitiennes de Campra. Je l'ai toujours, le style est assez dépassé mais j'ai été marquée à vie.
    Sans doute inconsciemment le choix du clavecin?

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